Que fait un•e directeur•ice exécutif•ive ?

Les licornes du multitâche

par Marlo Turner Ritchie

Les directeur•ices exécutif•ives (DE) des organismes à but non lucratif et des organisations caritatives occupent des postes extrêmement exigeants. Dans une organisation typique de petite ou moyenne taille, les DE doivent porter plusieurs chapeaux à la fois. Les postes de directeur•ice exécutif•ive attirent donc généralement des personnes qui ne craignent pas d’assumer des fonctions de leadership complexes – des personnes ambitieuses, visionnaires, charismatiques, bienveillantes, créatives, tenaces et très travaillantes. 

L’équivalent dans le secteur privé serait un poste qui regrouperait les fonctions de PDG en plus de directeur•ice des finances, des ressources humaines, du développement commercial et des communications… tout cela en même temps. Pour gérer ces différents aspects, les organisations à but non lucratif et caritatives plus larges et bien financées ont généralement plusieurs départements en place, avec des coordinateur•ices ou des directeur•ices embauché•es et supervisé•es par les DE.  

Les offres d’emploi de directeur•ice exécutif•ive sont parfois hilarantes (et tristes) à lire parce qu’elles consistent généralement en une liste interminable de toutes les responsabilités de gestion susmentionnées, accompagnée d’une phrase du genre : « si vous possédez une partie de cette expérience, veuillez postuler ! ». En d’autres termes, nous sommes à la recherche d’une licorne magique, mais nous nous contenterons d’un cheval de trait capable de s’entraîner à tout faire.  

Lors d’une entrevue, en tant que DE potentiel•le, il est très important de poser des questions directes au comité d’embauche avant d’accepter le poste. Voici quelques exemples de bonnes questions :

  1. Quel type de formation et d’accompagnement sera offert ? Le poste inclut-il un budget de développement professionnel continu ?

  2. Quel est le salaire ? Quels sont les avantages ? À quelle fréquence le conseil d’administration revoit-il le salaire et les avantages offerts ?  

  3. Y aura-t-il un processus d’évaluation initiale et comment sera-t-il géré ?

  4. Quel est le niveau d’expérience des membres du conseil d’administration et depuis combien de temps siègent-ils ? 

  5. Y a-t-il actuellement des conflits non résolus au sein de l’équipe ? Dans l’affirmative, existe-t-il une politique de règlement des griefs et a-t-elle été respectée ?  

  6. Les finances de l’organisation sont-elles saines ? Si je dois collecter des fonds au cours de l’année fiscale en cours, quel est le montant total et l’échéancier ? Serai-je soutenu•e ? Qui s’occupe de la comptabilité ?

  7. Quels types de politiques sont en place et quand ont-elles été réexaminées pour la dernière fois ?

  8. Combien y a-t-il de membres dans l’organisation et quel est leur niveau d’implication ?

  9. Un plan stratégique a-t-il été mis en place ? Si oui, qu’en est-il ? Si ce n’est pas le cas, un budget a-t-il été prévu pour en élaborer un ? Si ce n’est pas le cas, quels sont vos objectifs organisationnels actuels ?  

  10. Quelles sont les forces et les faiblesses de l’équipe en place ?  

  11. Dans quelle mesure l’organisation est-elle accueillante, inclusive, diversifiée et équitable ? (Donnez des exemples)

…etc.

Conditions de travail et dynamiques internes

Dans le secteur non lucratif, les directeur•ices exécutif•ives sont recruté•es par des conseils d’administration gérés par des bénévoles et élus par les membres lors de l’assemblée générale annuelle. Parfois, des membres du personnel siègent également au comité de recrutement. Trop souvent, lors de la diffusion des offres d’emploi, aucun détail n’est donné quant à l’échelle salariale et aux avantages, ce qui tend à marginaliser encore davantage les femmes et les personnes de couleur. Bien que les procédures d’embauche varient, elles comportent souvent au moins deux entrevues.  

Le processus d’intégration des DE dans le secteur est aussi très variable. Il est rare qu’il y ait une passation des pouvoirs entre un•e directeur•ice exécutif•ive nouvellement embauché•e et un•e DE sortant•e. Il arrive aussi que les documents laissés derrière ne soient pas bien organisés. Il faut donc parfois des mois pour s’installer et s’approprier toute ces informations. Les opportunités de développement professionnel ont tendance à relever de l’initiative propre des DE, à moins qu’il n’y ait un conseil d’administration plus actif qui procède à une évaluation régulière et à la promotion de leur développement professionnel.

Prenons l’exemple d’une petite ou moyenne organisation canadienne typique, dont le budget serait d’environ un million de dollars par année. Dans les cas très rares où il existe un•e responsable de la collecte de fonds ou du développement, un•e responsable des communications et un•e responsable des finances, les directeur•ices exécutif•ives jouent davantage un rôle de soutien et de supervision. Dans l’idéal, cette personne aurait plus de connaissances spécifiques à ce domaine qu’un•e DE, de sorte qu’elle dirigerait la création d’un plan annuel de collecte de fonds, de communications et de gestion financière, avec l’apport et l’approbation du ou de la directeur•ice exécutif•ive et, à la toute fin, du conseil d’administration. Dans l’idéal, le conseil d’administration est doté de comités chargés de la collecte de fonds, des communications et des finances. Dans un tel cas, particulièrement en l’absence de ces postes cruciaux, les DE devraient encourager leurs bénévoles. Il arrive toutefois que des bénévoles du conseil d’administration président et orientent les travaux de ces comités. Dans les organisations plus collaboratives, les responsabilités peuvent être réparties au sein de l’équipe, chacun•e participant et jouant un rôle en fonction de ses compétences, de ses intérêts et de sa disponibilité. En l’absence de ces postes cruciaux, les tâches incombent inévitablement aux DE, parfois avec le soutien du conseil d’administration ou d’un comité.

Ressources humaines et culture organisationnelle   

Dans les petites et moyennes organisations, il est rare qu’il y ait un•e responsable des ressources humaines. Ces responsabilités incombent principalement aux directeur•ices exécutif•ives. Il existe parfois un comité des ressources humaines actif au sein du conseil d’administration, auquel les directeur•ices exécutif•ives ont tendance à rendre compte. Ce comité peut aussi offrir des conseils aux DE. Il est rare que les directeur•ices exécutif•ives aient accès à un logiciel de gestion des ressources humaines susceptible de faciliter leur travail, mais nous constatons que la situation évolue. Parfois, les membres du personnel seront impliqués dans le recrutement et l’évaluation du personnel, en fonction du degré de collaboration de la culture de travail. Le développement professionnel, les griefs et les questions disciplinaires sont gérées par les DE. Les directeur•ices exécutif•ives recrutent et embauchent souvent des travailleur•euses contractuel•les, par exemple, des personnes chargées de la conception graphique, de la planification stratégique ou de la collecte de fonds.  

Les ressources humaines représentent l’une des principales responsabilités des directeur•ices exécutif•ives : recrutement, formation, évaluation, soutien, traitement des questions disciplinaires… on fait de tout ! C’est également l’un des aspects les plus chronophages de la fonction de directeur•ice exécutif•ive. Les organismes à but non lucratif de taille moyenne comptent habituellement une dizaine d’employé•es, ce qui implique beaucoup de séances de supervision et de suivis réguliers pour soutenir les employé•es dans leurs projets respectifs.  

Il y a toujours des imprévus dans le domaine des ressources humaines — des situations telles que des conflits entre membres du personnel, des crises familiales, de l’épuisement professionnel ou des congés parentaux progressifs. En général, ces situations sont plus faciles à gérer lorsqu’il existe une politique de ressources humaines progressive et un manuel du personnel.  

La collaboration est essentielle !

En fonction de la culture de l’organisation, il peut y avoir un niveau élevé de collaboration sur les projets, les dossiers et les événements. Dans nos organisations, la rédaction des politiques se fait souvent de manière collaborative, avec un comité parfois composé de membres du personnel et du conseil d’administration, qui travaillent ensemble. En revanche, dans certains cas, cette tâche incombe uniquement aux directeur•ices exécutif•ives. Dans les organisations plus hiérarchisées, la rédaction des politiques tend à incomber aux DE, avec l’approbation finale du conseil d’administration. Le rapport annuel est souvent un projet collaboratif entre les membres du personnel, les DE étant responsables du produit final. Les événements spéciaux peuvent être une situation où tout le monde met la main à la pâte, les DE assumant davantage un rôle de relations publiques et avec les bailleurs de fonds. Le recrutement et la coordination des bénévoles sont parfois assurés par un•e coordinateur•ice des bénévoles. En l’absence de ce poste, ces responsabilités peuvent être partagées au sein de l’équipe. 

La gestion des bâtiments est souvent un problème qui revient aux DE, car la plupart des organisations caritatives sont locataires dans de vieux immeubles. Dans les rares cas où elles possèdent leur propre immeuble, elles ne disposent pas nécessairement d’une personne chargée de l’entretien de l’immeuble au sein du personnel. Il arrive souvent que les DE doivent s’occuper d’urgences concernant le bâtiment. Les directeur•ices exécutif•ives doivent également veiller à ce qu’une somme suffisante soit mise de côté pour l’entretien régulier des bâtiments et les projets spéciaux.  

Le travail qui est souvent sous-estimé et méconnu est le travail émotionnel lié à la gestion d’une organisation, particulièrement en ces temps difficiles. Des recherches récentes menées par le Ontario Nonprofit Network et Imagine Canada affirment que la majorité des personnes travaillant dans le secteur sont des femmes et des personnes de couleur, et que les salaires sont bien inférieurs aux salaires comparables dans d’autres secteurs. Les équipes sont donc confrontées à des difficultés dès le départ. Les DE sont également chargé•es de veiller au bien-être psychologique de leurs équipes, ce qui peut s’avérer très intense selon la mission de l’organisation et la composition de l’équipe. Les DE sont souvent sollicité•es pour la médiation et la résolution de conflits. Nous recommandons de faire appel à des médiateurs externes plutôt que de faire reposer ce type de travail sur les épaules des directeur•ices exécutif•ives.  

Anecdote amusante / pause comique. Un jour, alors que j’étais assise à mon bureau, j’ai entendu une grande éclaboussure ! J’ai regardé dans le corridor et j’ai vu un jet d’eau se déverser du deuxième étage directement sur notre photocopieuse. J’ai couru à l’étage et j’ai découvert que l’eau provenait d’en haut, où se trouvaient d’autres locataires. J’ai frappé à leur porte et un homme à l’air fatigué a ouvert la porte, juste assez pour que j’aperçoive la douce lueur des lampes de culture de marijuana derrière lui. Nous avions une plantation de pot au-dessus de nous et leur système d’irrigation venait d’exploser ! Inutile de dire que je leur ai donné un avertissement de 10 minutes avant d’appeler la police, et que je les ai regardés s’enfuir par les toits en courant. J’ai dû tout nettoyer en plus de m’occuper de la police et des compagnies d’assurance ! #nonlucratif #grossejournée 

                                                     —Marlo (ancienne DE et gestionnaire tout risque)

Restez à l'écoute pour la deuxième partie qui sortira plus tard ce mois-ci.

Previous
Previous

Comment mener à bien une campagne d’investissement ? Part 1

Next
Next

Mettre en place la semaine de 4 jours : un guide, étape par étape